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Maternité et emploi : quels sont mes droits?

Maternité et emploi : quels sont mes droits?

La maternité peut être une cause de discrimination à l’embauche, en emploi, voire de licenciement abusif. Face aux entraves rencontrées pour concilier leur statut de mère et leur travail, de nombreuses femmes renoncent au second. Face à la pression de certains employeurs et à l’envie de garder leur emploi, des mères mais également des pères acceptent certaines exigences (horaires supplémentaires, refus de congé) desquelles ils devraient pourtant être protégés selon la loi.

Législation fédérale et conventions de travail 

Plusieurs législations régissent les questions liées à la « maternité en emploi » (de la période de grossesse jusqu’aux 15 ans de l’enfant) : la loi sur le travail et ses ordonnances (qui fixe le cadre général des relations de travail), différentes ordonnances de la Loi fédérale sur les droits en matière de protection de la santé, le Code des Obligations (qui règle les relations entre employeur et collaborateur) mais également la Loi sur l’Egalité, différentes conventions collectives de travail ainsi que certains contrats individuels.

Les conventions collectives et les contrats individuels sont tenus de respecter les lois et ordonnances fédérales, mais peuvent par ailleurs s’engager à des dispositions plus favorables pour les mères ou futures mères. C’est donc un des documents à consulter en priorité.

Par souci de fluidité, tous les articles de loi sur lesquels ce texte s’appuie ne seront pas systématiquement cités. Vous pouvez néanmoins les retrouver à la fin de cet article.

« Le droit au mensonge »
Au moment de l’embauche, il n’est pas obligatoire d’annoncer sa grossesse ou son désir de grossesse. Les questions posées par le potentiel employeur à ce sujet lors d’entretien relèvent de la sphère privée et sont donc illicites. En outre, elles ne respectent pas l’interdiction de la discrimination à l’embauche de la Loi sur l’Egalité. Il existe donc un « droit au mensonge » et l’employeur ne pourra utiliser cette omission comme argument de licenciement. Ceci à une exception près : lorsque l’emploi en question présente des risques pour la santé en cas de grossesse. Dans ce cas, l’employeur doit poser la question et la personne est dans l’obligation de dire la vérité.

Des conditions de travail adaptées pendant la grossesse

Durant la grossesse, l’employée doit être protégée de travaux « dangereux et pénibles » qui pourraient porter préjudice à elle ou à l’enfant à venir. L’ordonnance sur la maternité établit une liste des travaux pénibles et dangereux, régulièrement mise à jour : y figurent des réglementations quant aux charges à porter, à certaines postures trop fatigantes, aux produits dangereux, ou encore au rythme et horaires de travail. Pendant la grossesse, les heures supplémentaires sont interdites. D’autre part, les femmes enceintes qui exercent leur activité principalement debout (vendeuses, coiffeuses…) bénéficient à partir de leur 4ème mois de grossesse d’horaires aménagés et de pauses plus importantes (repos quotidien de 12h et pause de 10 minutes toutes les 2h en plus des pauses légales). Si la protection adéquate ne peut être assurée, un transfert doit être imaginé vers un autre poste ne comportant pas de risques. Si le transfert n’est pas possible, la personne peut rester à la maison, payée à 80% du salaire pendant la grossesse et jusqu’à la fin de l’année d’allaitement.
Les femmes enceintes doivent pouvoir, sur leur lieu de travail, s’allonger et se reposer dans des conditions adéquates (chaise inclinable, local prévu à cet effet).
Pendant sa grossesse, une femme peut sur simple avis se dispenser d’aller travailler ou quitter son lieu de travail, si elle ne se sent pas bien. Elle n’a en principe pas besoin de justifier son absence par un certificat médical. Mais il est fort conseillé en cas d’absence prolongée de produire un certificat médical pour prétendre au paiement du salaire. En effet, selon le Code des obligations, l’employeur est tenu de payer le salaire de son employé en cas d’empêchement non fautifs de travailler (contre présentation d’un certificat médical). En cas d’absence d’assurance perte de gain maladie, on applique l’échelle de Berne soit 3 semaines de salaire pendant la 1ère année de service, 1 mois après 2 ans, 2 mois après 3 et 4 ans etc, quand le contrat a été conclu pour plus de 3 mois.

Licenciement et démission

Passé le temps d’essai, le licenciement devient strictement interdit pendant toute la grossesse et à Genève, au cours des 16 semaines qui suivent l’accouchement. C’est la date de réception du congé qui fait foi : si une femme découvre qu’elle était enceinte au moment où elle a reçu son congé, le licenciement est considéré comme nul.
Durant la période d’essai, pendant laquelle un licenciement est possible même en cas de grossesse, il est donc conseillé de ne pas l’annoncer sauf en cas de dangerosité pour la femme enceinte ou l’enfant à venir.
Une femme enceinte ou qui a accouché peut mettre fin à son contrat de travail en respectant les délais de congé légaux ou contractuels. Elle prend cependant le risque de perdre son droit au congé maternité ou d’être pénalisée au chômage.

Congé maternité, paternité et parental

Si elle est inscrite dans la constitution depuis 1945, l’assurance maternité fédérale n’a vu le jour qu’en 2005 ! Ses conditions actuelles au niveau fédéral sont une prise en charge du salaire à 80% pendant 14 semaines minimum (ceci jusqu’à maximum 196.- CHF par jour soit environ un salaire mensuel de 7’350 CHF). Certaines législations cantonales sont plus favorables comme c’est le cas de Genève qui donne un congé de 16 semaines au lieu de 14. Pour une adoption, il n’existe pas de congé maternité ni d’allocations au niveau suisse. Cependant, certains cantons (notamment Genève) disposent d’une loi particulière : les mêmes dispositions du congé maternité sont applicables au père ou à la mère adoptive.

Durant les 8 premières semaines après l’accouchement, il est absolument interdit de travailler. De la 8ème à la 16ème semaine, la personne peut reprendre son travail avec des conditions de travail aménagées (entre autres pas d’heures supplémentaires ni de travail nocturne) mais les allocations maternité cessent.

Concernant le congé paternité, la Suisse est le seul pays d’Europe où aucune disposition légale n’existe: selon les contrats de travail, les pères ont droit à 1 ou 2 jours de congé, voire à 15 jours pour certains fonctionnaires (par exemple au canton de Genève). Un congé paternité, ou un congé parental confondu comme c’est le cas en Norvège, en Suède ou encore au Danemark, contribuerait à une plus grande égalité professionnelle entre femmes et hommes.

Allocations familiales et allaitement 

Le droit aux allocations familiales entre en vigueur dès le moment où la personne ayant accouché est dans un rapport de travail, exerce une activité lucrative indépendante, collabore à l’entreprise familiale, est au chômage ou en incapacité de travailler. Une allocation par enfant est donnée jusqu’à 16 ans (300 CHF par mois). Ensuite, une allocation de formation professionnelle (400 CHF) est assurée jusqu’à la fin de la formation (ceci jusqu’à 25 ans maximum).

En cas de séparation, seul un des deux parents la recevra, selon un ordre de priorité (le parent détenant l’autorité parentale, celui vivant principalement avec l’enfant ou encore celui travaillant dans le canton où habite l’enfant). Durant la période d’allaitement, la même protection de la santé que lors de la grossesse entre en vigueur (horaires aménagés, pas d’heures supplémentaires ni de travail de nuit, dispensation à la demande de travaux pénibles, disposition du temps nécessaire à l’allaitement,…)

D’autre part, au cours de la 1ère année de vie de l’enfant, les mères ont le droit d’allaiter leur enfant au travail. Proportionnellement au nombre d’heure travaillées, le temps d’allaitement est considéré comme temps de travail rémunéré (30 minutes pour 4 heures de travail, 60 minutes pour 4 à 7 heures de travail et 90 minutes pour plus de 7 heures de travail).

Une pression psychologique difficile à prouver

L’employeur n’est pas dans l’obligation d’accepter une demande de réduction de temps de travail après une naissance. Cependant, une résiliation de contrat qui interviendrait parce que la personne a manifesté ce souhait sera considérée comme abusive. Il en va de même pour une personne qui subirait des discriminations (poste moins bien payé, moins qualifié, refus de formations) en raison de sa nouvelle situation familiale.

Dans tous les cas, durant les périodes de grossesse et de maternité, les risques de harcèlement psychologique augmentent. Au vu de la protection légale dont bénéficie la personne durant cette période, les formes de pression et de harcèlement moins « officielles » sont une manière de dissuader une femme à reprendre et/ou à conserver son poste.

Employé.e.s à « responsabilités familiales »

Les parents d’enfants entre 0 et 15 ans, soit à « responsabilités familiales » ne peuvent effectuer des heures supplémentaires sans leur consentement. A leur demande, une pause de midi d’au moins une heure et demi doit leur être accordée. En cas de maladie d’un enfant, l’employeur doit sur présentation d’un certificat médical donner congé aux employé-es ayant des responsabilités familiales et ce pour le temps nécessaire à la garde de l’enfant malade jusqu’à concurrence de 3 jours pour chaque cas de maladie.

Articles cités :

Loi sur le Travail + OLTr (ordonnances)

  • 6 LTr : protection de la santé
  • 35 a Ltr : occupation durant la maternité, interdiction de travailler
  • 36 al.2 Ltr . travailleurs avec des responsabilités familiales
  • 47 al. 1 Ltr et art.62 al.3 OLT1 : travail dangereux et pénible, devoir d’information
  • 34 OLT3 : protection des femmes enceintes et allaitantes (droit de se reposer)

Code des Obligations

  • 324a CO : empêchement de travailler non fautif et paiement du salaire
  • 329b al.3 CO : réduction de la durée du droit aux vacances
  • 335 b al.1 et 2 : durée du temps d’essai
  • 336c al.1 CO : Protection contre le licenciement 


Loi sur l’Egalité


  • 3 al.1 et 2 LEg : droit au mensonge, discrimination à l’embauche
  • 10 al.1 LEg