« Revenir

Les nouveaux critères pour la naturalisation suisse

 

Les nouveaux critères pour la naturalisation suisse

Le 1er janvier 2018, la nouvelle Loi sur la nationalité (LN) est entrée en vigueur. Elle a modifié les critères en vue de la naturalisation. Les conditions pour l’obtention du passeport suisse sont plus restrictives par rapport à l’ancienne loi.

Qu’est-ce qui a changé ? Voici quelques éléments synthétiques (non exhaustifs) concernant les nouveaux critères en vue de la naturalisation.

Titre de séjour préalable et durée du séjour en Suisse

En ce qui concerne la naturalisation ordinaire, un premier changement essentiel est l’exigence désormais d’être titulaire d’une autorisation d’établissement (permis C) pour pouvoir déposer une demande de naturalisation[1]. C’est une restriction très importante puisque l’ancienne loi prévoyait que la naturalisation était ouverte pour les personnes au bénéfice d’un permis B, L ou F.

Cumulativement à cette première condition formelle de permis de séjour, la personne candidate à la naturalisation doit prouver qu’elle totalise un séjour de dix ans en Suisse, dont trois années ininterrompues dans les cinq ans qui précèdent le dépôt de la demande[2]. Cette condition constitue une amélioration par rapport à l’ancienne loi qui exigeait un séjour de douze ans.

Toutefois, plusieurs restrictions ont été introduites en ce qui concerne le calcul de la durée du séjour. En effet, seules les périodes effectuées au titre d’un permis B, C ou d’une carte de légitimation du Département Fédéral des Affaires Etrangères (DFAE) comptent entièrement; celles effectuées au titre d’un permis F comptent pour moitié, et celles avec un permis N ou un permis L ne comptent pas[3].

Il convient de relever deux cas particuliers en ce qui concerne l’exigence de durée du séjour :

  • les années passées en Suisse entre l’âge de 8 et 18 ans comptent double (dans l’ancienne loi, il s’agissait des années entre 10 et 20 ans), mais la nouvelle loi impose une durée de séjour effectif de six ans au moins[4].
  • le/la partenaire enregistré·e[5] d’un·e ressortissant·e suisse doit comptabiliser un séjour de cinq ans, dont l’année qui précède la requête (et pour autant qu’elle ait vécu trois ans en partenariat avec cette personne)[6].

Dans le cas du dépôt de la demande à Genève, le/la candidat·e doit comptabiliser 2 ans de résidence effective dans le canton, dont les 12 derniers mois précédant la demande.

Les autres conditions

Outre la durée de séjour et le type de permis, plusieurs conditions doivent être également remplies, l’intégration doit être réussie, la personne candidate doit s’être familiarisée avec les conditions de vie en Suisse et, finalement elle ne doit pas mettre en danger la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse[7].

Une intégration réussie

Les critères pour déterminer l’intégration ont été étendus et durcis. En particulier, la loi exige désormais une aptitude à communiquer au quotidien dans une langue nationale à l’oral et à l’écrit[8], ce qui n’était pas précisé auparavant. Les connaissances orales doivent être au moins du niveau B1 du cadre européen commun de référence pour les langues et les compétences écrites du niveau A2 au minimum[9]. L’ancienne loi ne fixait pas de niveaux linguistiques aux cantons. A Genève, le niveau A2 à l’oral était exigé.

La nouvelle loi introduit au surplus l’obligation d’encouragement et de soutien à l’intégration du/de la conjoint·e, du/de la partenaire enregistré·e ou des enfants mineurs sur lesquels est exercée l’autorité parentale[10]. Cette exigence est réalisée notamment lorsque la personne requérante aide des membres de sa famille à acquérir des compétences linguistiques dans une langue nationale, à participer à la vie économique ou à acquérir une formation, à participer à la vie sociale et culturelle de la population suisse, ou à exercer d’autres activités susceptibles de contribuer à leur intégration en Suisse[11].

Les autres critères pour mesurer l’intégration sont notamment le respect de la sécurité et de l’ordre publics, le respect des valeurs de la Constitution, ainsi que la participation à la vie économique ou l’acquisition d’une formation[12].

A propos du respect de la sécurité et de l’ordre public[13], « outre le non-respect de l’ordre juridique suisse, le non-respect de décisions d’autorités tout comme le non-accomplissement volontaire d’obligations de droit public ou privé constituent désormais expressément un obstacle à la naturalisation. Il en va ainsi, par exemple, en cas d’arriérés d’impôts, de loyers, de primes d’assurance-maladie ou d’amendes, de non-paiement d’obligations d’entretien ou de dettes alimentaires fondées sur le droit de la famille ou, en général, d’accumulation de dettes »[14]. De plus, un autre changement important est la référence désormais au casier judiciaire informatisé (VOSTRA) consultable par le Secrétariat d’Etat aux Migrations (SEM).

En ce qui concerne la participation à la vie économique, cette condition est remplie lorsque le revenu, la fortune ou des prestations de tiers auxquelles la personne à droit assurent, au moment de la demande, la couverture du coût de la vie et le respect de l’obligation d’entretien[15]. Cette condition (tout comme celle de l’acquisition d’une formation) n’est pas remplie si la personne perçoit une aide sociale dans les trois années précédant le dépôt de sa demande ou pendant sa procédure de naturalisation, sauf si l’aide sociale est intégralement remboursée[16].

A noter que les cantons peuvent prévoir d’autres critères d’intégration[17], et que l’autorité cantonale doit prendre en compte de manière appropriée la situation particulière des personnes qui ne remplissent pas ou difficilement les critères économiques ou linguistiques du fait notamment d’un handicap ou d’une maladie[18].

La nouvelle loi étend également les exigences d’intégration dans le cadre de la naturalisation facilitée, car les personnes concernées par la naturalisation facilitée doivent remplir les mêmes critères d’intégration susmentionnés[19]. Rappelons que la naturalisation facilitée concerne notamment les conjoint·e·s dee·e citoyen·ne·s suisses, enfants d’une personne naturalisée, étranger·ère·s de troisième génération, mais qu’elle ne concerne toujours pas les partenaires enregistré·e·s. Les conditions spécifiques de la naturalisation facilitée doivent bien sûr également être également remplies[20]. Attention : désormais, lorsque le conjoint a obtenu la nationalité suisse par le biais d’une naturalisation ordinaire après le mariage, la naturalisation facilitée pour l’autre conjoint n’est pas possible[21].

Familiarisation avec les conditions de vie en Suisse

Comme exposé ci-dessus, la deuxième condition matérielle est que les personnes candidat·e·s à la naturalisation se soient familiarisées avec les conditions de vie en Suisse[22].

Cela implique premièrement qu’elles possèdent une connaissance élémentaire des particularités géographiques, historiques, politiques et sociales de la Suisse[23]. Ces connaissances peuvent faire l’objet d’un test auquel les candidat·e·s pourront se préparer notamment à l’aide de cours et qui nécessitera des compétences linguistiques orales et écrites requises pour obtenir la naturalisation[24].

Les requérant·e·s doivent au surplus prendre part à la vie sociale et culturelle de la population suisse et entretenir des contacts avec des Suisses[25]. Ces conditions impliquent un examen qui touche à la sphère privée[26] ; le rapport explicatif du Conseil fédéral note entre autres que des contacts avec des Suisses doivent être réguliers, « les étrangers qui restent exclusivement entre eux » devant  « être exclus de la naturalisation », et mentionne comme critères d’intégration sociale et culturelle la participation aux manifestations et aux fêtes publiques, le fait d’être membre d’une association ou l’exercice d’une activité bénévole[27].

Pas de mise en danger de la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse

La troisième condition matérielle impose l’absence de mise en danger de la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse[28]. Le/la requérant.e met en danger la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse lorsque des éléments concrets laissent supposer qu’il participe, soutient, encourage ou joue un rôle dans des activités de terrorisme, extrémisme violent, crime organisé, ou service de renseignement prohibé[29].

 

[1] Art. 9 al. 1 let. a LN

[2] Art. 9 al. 1 let. b LN

[3] Art. 33 LN

[4] Art. 9 al. 2 LN. Ceci concerne les demandes autonomes. Sinon, l’enfant mineur est inclus dans la demande du ou des parents, pour autant qu’il y ait vie commune. Lorsque l’enfant atteint l’âge de 12 ans, les conditions d’ingration sont examinées séparément en fonction de son âge (art. 30 LN). A noter que les enfants en bas âge jusqu’à 2 ans sont compris sans aucun autre examen. Au-delà de cet âge, ils sont inclus à la condition qu’ils vivent en Suisse depuis au moins deux ans (https://www.sem.admin.ch/dam/data/sem/rechtsgrundlagen/weisungen/buergerrecht/hb-bueg18-kap3-f.pdf).

[5] Le partenariat enregistré concerne les couples de même sexe, il est régi au niveau fédéral par la Loi sur le partenariat enregistré (LPart).

[6] Art. 10 al. 1 LN.

[7] Art. 11 let. a, b et c LN).

[8] Art. 12 al. 1 let. c LN.

[9] Art. 6 al. 1 de l’Ordonnance sur la nationalité, OLN.

[10] Art. 12 al. 1 let. e LN.

[11] Art. 8 let. a à d OLN.

[12] Art. 12 al. 1 let a, b et d.

[13] Art. 4 OLN.

[14] DFJP. « Rapport explicatif. Projet d’ordonnance relative à la loi sur la nationalité », https://www.sem.admin.ch/dam/data/sem/aktuell/gesetzgebung/buev/entw-ber-f.pdf, commentaire de l’art. 4 al. 1 let a et b OLN, p. 11.

[15] Art. 7 al. 1 OLN.

[16] Art. 7 al. 3 OLN.

[17] Art. 12 al. 3 LN.

[18] Art. 12 al. 2 LN.

[19] Art. 20 al. 1 LN.

[20] Art. 21 ss LN.

[21] Art. 21 al. 3 LN.

[22] Art. 11 let. b LN.

[23] Art. 2 al. 1 let. a OLN.

[24] Art. 2 al. 2 let a et b OLN.

[25] Art. 2 al. 1 let b et c OLN.

[26] Humanrights.ch. « Discrimination institutionnelle dans la nouvelle Loi sur la nationalité », https://www.humanrights.ch/fr/droits-humains-suisse/interieure/politique-etrangers/naturalisation/nouvelle-loi-federale-nationalite-droits-fondamentaux.

[27] DFJP. « Rapport explicatif. Projet d’ordonnance relative à la loi sur la nationalité », https://www.sem.admin.ch/dam/data/sem/aktuell/gesetzgebung/buev/entw-ber-f.pdf.

[28] Art. 11 al. 1 let. c LN.

[29] Art. 3 OLN.