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Changer de Cap : La reconversion professionnelle dans l’Assurance-invalidité

Glossaire

Reclassement

Le reclassement est l’action de placer dans une activité nouvelle des personnes qui ont dû abandonner leur activité précédente.

Reconversion professionnelle

La reconversion professionnelle est un changement de type d’activité professionnelle ou de secteur d’activité professionnelle au terme d’un processus de reclassement.

Services médicaux régionaux

Mis en place lors de la 4e révision de l’AI, ces services ont pour but de fournir aux Offices de l’assurance-invalidité de chaque canton (OAI) des appréciations médicales par le biais d’expertes en santé. L’OAI à Genève est l’OCAS.

 

Si je ne peux plus exercer ma profession en raison d’un handicap et que je souhaite faire une reconversion professionnelle, est-ce que cela est remboursé par l’assurance ? A quelles conditions ?

Oui, à certaines conditions. Tout d’abord, je dois être assurée à l’assurance-invalidité. Je suis notamment assurée à l’assurance-invalidité si je suis domiciliée en Suisse ou si je travaille en Suisse.

Pour pouvoir avoir accès à une reconversion professionnelle, l’assurance-invalidité doit conclure que mon handicap est invalidant à environ 20% au moins.

Bon à savoir :

  • La reconversion professionnelle (voir glossaire) est appelée reclassement dans la Loi sur l’assurance-invalidité (LAI).
  • Le calcul de ce seuil minimum d’environ 20%[1] se calcule en observant quel revenu l’assurée réalisait avant l’atteinte à la santé et quel revenu elle peut réaliser au terme du reclassement[2]. La différence entre ces deux revenus donnera le pourcentage d’invalidité au sens de l’AI. Il n’y a donc pas de reclassement si la personne peut obtenir le même salaire que celui qu’elle obtenait dans son ancien emploi avant l’atteinte à la santé.
  • Ce taux minimal d’environ 20% est critiquée par une partie de la doctrine comme défavorisant les petits revenus[3] et, par extension, fréquemment les femmes sachant qu’il est difficile pour elles d’atteindre ce seuil étant les principales concernées par les petits revenus[4].
  • Le taux de 20 % n’est pas fixe. Plus je suis jeune, plus ce critère sera flexible car l’assurance-invalidité part du principe que :

→ Si j’ai une formation et qu’une atteinte à la santé fait que je ne peux plus avoir ce métier cela me prive des promotions que j’aurais pu avoir dans ma carrière. 

→ Si je dois travailler dans un domaine où je n’ai pas de formation, je n’aurais pas les mêmes promotions sur le long terme que dans un emploi où j’ai une formation.

→ Si j’ai le droit à une reconversion, j’aurais une formation avec des meilleures promotions que pour un emploi sans formation sur le long terme.

Donc l’assurance-invalidité finance une reconversion pour les jeunes personnes formées même si elles ont un taux d’invalidité un peu inférieur à 20%.

Qu’est-ce que l’invalidité ?

La notion d’invalidité au sens de la LAI n’est pas :

  • Une incapacité de travail. Car l’incapacité de travail est limitée dans le temps. Par exemple le fait d’avoir la grippe.
  • Une incapacité professionnelle. Car je pourrais exercer un autre métier. Par exemple, si je suis boulangère et que je deviens allergique à la farine, je ne pourrais plus être boulangère mais je pourrais être fromagère.

La notion d’invalidité au sens de la LAI est :

  • Une incapacité de gain. A cause de mon handicap, je ne peux pas ou plus travailler. Par exemple, si j’ai des graves problèmes de dos et une dépression qui font que je ne peux pas travailler à plus de 80% dans n’importe quel métier adapté à ma santé. 

Bon à savoir : Si je ne travaille pas contre rémunération : par exemple, si je m’occupe du ménage, si je suis membre d’une communauté religieuse ou si je suis étudiante, mon taux d’invalidité sera évalué en fonction des difficultés que je rencontre pour accomplir mes travaux habituels.

Est-ce que mon handicap est dit invalidant ?

La Loi sur l’assurance-invalidité (LAI) fait la différence entre handicaps invalidants et handicaps non invalidants. Ainsi, je n’ai pas le droit à une reconversion si mon handicap n’a pas d’impact négatif ou ne menace pas ma capacité à avoir des revenus.

Par exemple, si je suis une personne en chaise roulante et que j’ai un métier qui est compatible avec le fait d’être en chaise roulante (par exemple avocate), je ne suis pas considérée comme invalide au sens de la LAI, je n’aurais donc pas droit à une reconversion professionnelle. 

Bon à savoir : Depuis quelques années, les troubles psychiques[5] et les addictions[6] sont évalués de la même façon que les autres troubles. Cette évaluation appelée la procédure probatoire structurée permet une meilleure égalité de traitement. Cependant, une partie de la doctrine estime que cette évaluation juridique relègue l’appréciation médicale au second plan[7]. De plus, selon certaines autrices, la distinction entre ce qui relève du droit et du fait reste assez floue[8].

J’ai le droit à cette reconversion si mon invalidité rend cette reconversion nécessaire. Cette reconversion doit être de nature à maintenir ou améliorer ma capacité de gain (ou ma capacité d’accomplir mes travaux habituels). Cette reconversion doit être adéquate.

Est-ce que cette reconversion est nécessaire ? 

Cela veut dire qu’elle doit permettre de pouvoir maintenir mon salaire mais ne permet pas d’obtenir une formation d’un niveau supérieur. Par exemple, si j’ai un certificat fédéral de capacité (CFC) de menuisière, je ne peux pas avoir accès à un bachelor si l’assurance-invalidité estime qu’un autre CFC serait suffisant pour que j’aie le même salaire qu’avant ma situation de handicap invalidante. 

Exception : Il est possible d’obtenir une formation d’un niveau supérieur à mon ancienne activité si ma situation de handicap justifie que seule une formation d’un niveau supérieur permet de mettre à profit de manière optimale ma capacité de travail.

Si je choisis une formation plus coûteuse que ce qui est jugé nécessaire, l’assurance-invalidité payera les frais nécessaires mais je devrais payer le surplus de ma formation.

Est-ce que cette reconversion me permet de maintenir ou améliorer ma capacité de gain ?

Pour voir ce que je gagnais avant ma situation de handicap invalidante, l’assurance-invalidité demande à ce que j’aie travaillé pendant au moins six mois auparavant. Cette condition n’est par exemple pas remplie si l’ancienne profession est considérée comme un “petit boulot” temporaire, par exemple un job d’été, un job d’étudiante ou un travail saisonnier. 

Pour ce travail préalable, il faut également que j’aie gagné de l’argent. Mon salaire mensuel devait être équivalent aux trois quarts du minimum de la rente AI simple ordinaire et complète. Ainsi, pour l’année 2025, je dois avoir gagné au minimum 945 CHF par mois.

Si je veux faire une reconversion mais que l’assurance-invalidité estime que cette formation n’a aucune perspective économique, elle ne financera pas cette reconversion.

Est-ce que cette reconversion est adéquate ?

Cela veut dire qu’il faut un rapport raisonnable entre le coût de la formation et le résultat économique. Si l’assurance-invalidité estime qu’une reconversion est impossible, irréaliste ou vouée à l’échec, elle refuse le financement de cette reconversion. 

Cette reconversion doit être adaptée à ma situation de handicap et correspondre à mes capacités. Par exemple, si j’ai un handicap psychique amenant à des variations dans mon état de santé, la formation devra être aménagée autant que possible (temps, organisation). 

Quels sont les types de formation possibles ?

Sont considérés comme une reconversion :

  • une formation professionnelle (CFC ou AFP)
  • une école secondaire supérieure
  • une école de culture générale (ECG)
  • une école de maturité spécialisée
  • une haute école spécialisée
  • une école spécialisée supérieure
  • une haute école
  • une université
  • les préparatifs faisant partie du programme de formation ordinaire

Est-ce que je dois collaborer ?

Il faut que je participe activement au processus sous peine de me voir réduire ou refuser ces prestations. Par exemple, si j’ai un syndrome de dépendance à l’alcool, un sevrage peut m’être imposé mais pas si ce sevrage présente un danger pour ma vie ou ma santé. Je dois déposer ma demande auprès de l’Office Cantonal des Assurances Sociales (OCAS) le plus vite possible pour montrer ma volonté de collaborer. 

Est-ce que je peux choisir ma reconversion ?

Même si mes préférences quant au choix de la formation seront prises en compte, c’est l’assurance-invalidité qui prendra la décision. Il n’est donc pas garanti que mes souhaits soient pris en compte pour la décision.

Quels sont les frais pris en charge par l’AI dans le cadre d’une reconversion ?

Les frais remboursés sont :

  • les frais de formation
  • les frais de nourriture et de logement dans l’établissement de formation professionnelle
  • les frais de nourriture et de logement à l’extérieur

Les frais non remboursés sont :

  • les assurances
  • les traitements (médicaux et médicamenteux)
  • les soins corporels

Comment faire ma demande ?

Mon droit à des prestations de l’AI naît après le dépôt de ma demande auprès de l’OCAS.

Bon à savoir :

  • Ma demande est faite à l’aide d’un formulaire que vous pouvez trouver sur le site internet de l’OCAS.
  • Le principe de l’AI est «la réadaptation prime la rente». Il faut donc d’abord démontrer que l’assurée ne peut pas être réadaptée pour pouvoir rentrer en matière sur un droit à une rente.
  • La décision d’octroyer ou non une mesure de réadaptation peut prendre jusqu’à 12 mois après que l’assurée en a fait la demande.

La demande pour une prestation de l’AI peut être faite par :

  • l’assurée
  • la représentante légale
  • des autorités. Les autorités peuvent être les services de l’aide sociale, les assurances qui ont avancés des prestations au sens de l’art. 70 al. 1 et 2 LPGA
  • des tiers qui assistent régulièrement l’assurée ou prend soin d’elle de manière permanente. Les tiers peuvent être la conjointe, les parents, les grands-parents, les enfants, les petits-enfants ou la fratrie de l’assurée. Si l’assurée est décédée, les héritières et les personnes ayant un intérêt digne d’être protégé peuvent aussi faire une demande

Bon à savoir : 

  • si je suis frontalière, l’office compétent à qui m’adresser est celui où je travaille.
  • si je suis domiciliée à l’étranger,  l’office AI pour les assurées résidant à l’étranger (OAIE), situé à Genève, est compétent.

Que faire si je ne suis pas d’accord avec ce que conclut l’assurance-invalidité me concernant ? 

→ Après examen de mon dossier, l’OCAS va m’envoyer un courrier nommé “préavis” pour m’informer de la décision qu’elle compte prendre, soit l’octroi ou non de ma demande de reconversion (reclassement). 

 → Si je ne suis pas d’accord avec ce préavis, je peux le faire savoir à l’OCAS dans un délai de 30 jours. J’ai le droit d’être entendue. L’OCAS rendra par la suite une décision. L’OCAS doit prendre sa décision au plus tard 12 mois après avoir déposé ma demande. L’OCAS doit dire pourquoi elle arrive à cette conclusion.

Bon à savoir : Une procédure simplifiée sans décision est possible mais cela doit être fait seulement avec mon accord. Cette procédure simplifiée est utile si je suis d’accord avec le préavis de l’OCAS et que je veux que la procédure aille plus vite. 

→ Si je ne suis pas d’accord avec cette décision, je peux m’opposer à celle-ci avec un courrier dit “recours” dans les 30 jours en écrivant au Tribunal administratif de première instance (TAPI). 

Bon à savoir : L’OCAS doit compléter l’instruction autant que nécessaire mais cela ne lui donne pas un droit à recourir à un deuxième avis médical si les faits établis par une expertise précédente ne lui conviennent pas. Ainsi, les services médicaux régionaux (SMR) (voir glossaire) doivent s’appuyer sur mon dossier médical, s’il existe.

→ Si je ne suis pas d’accord avec la décision du TAPI, je peux faire un recours au Tribunal fédéral (TF). Si j’habite à l’étranger, je peux faire un recours directement au Tribunal administratif fédéral (TAF).

Bases légales : art. 1a, art. 1b, art. 6 al. 2, art. 7 al. 1 et al. 2 let. c, art. 7b al. 1, al. 2, al. 3, art. 8 al. 1 let. a et b, al. 3 let. b, art. 9 al. 1bis,  al. 2, al. 3, art. 17 al. 1, art. 49, art. 56, art. 57a al. 1, art. 59 al. 2bis et art. 69 al. 1 let. a, b et al. 3 LAI ; art. 1novies, art. 40 al. 2, art. 73bis al. 2 RAI ; art. 21 al. 4 1ère phrase, art. 42, art. 43 al. 3 LPGA ; art. 1a let. a, b et c, art. al. 1bis, art. 29 al. 2 let. a LAVS : ch. 1013 à 1016 CPAI.

Notes

[1] ATF 130 V 488, consid. 4.2, ATF 139 V 399, consid. 5.3, arrêt 9C_511/2015, consid.3, arrêt 9C_689/2018 ou encore l’arrêt du 1er octobre 2020 du tribunal cantonal fribourgeois 605 2019 152, consid. 6.6.8.

[2] Art. 16 LPGA (par renvoi de l’art. 28a al. 1 LAI).

[3] Previtali Adriano, Aperçu de la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière d’intégration et de réadaptation professionnelle, Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung und berufliche Vorsoge SZS, 2016, p.6.

[4] Office fédéral de la statistique (OFS), Répartition des salariés selon les classes de salaire, en 2020, 28.03.2022, [https://www.bfs.admin.ch/asset/fr/21245724].

[5] ATF 143 V 409, consid. 4.5.1, ATF 143 V 418, consid. 7.1.

[6] ATF 141 V 215.

[7] Dupont Anne-Sylvie, Troubles psychiques et prestations de l’AI : état des lieux, Plaidoyer, vol. 38, n° 1, 2020, p. 35.

[8] Mestre Carvalho Susana, Exigibilité – La question des ressources mobilisables, Revue suisse des assurances sociales et de la prévoyance professionnelle [Gächter Thomas, Cardinaux Basile, Kahil-Wolff Bettina, Konrad Hanspeter, Mosimann Jakob, Pärli Kurt, Schneider Jacques-André, édit.], Berne (Stämpfli), 2019, p.64.