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Femmes* et santé: comment cette thématique est-elle abordée à F-information?

 

La question de la santé n’est pas spécifique au travail de F-information, mais transparait dans toutes ses activités. Car si l’on considère la définition donnée en 1946 (il y a presque 80 ans!) par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la santé est «un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité». Elle représente bien un droit de tout être humain, et implique la «satisfaction de tous ses besoins fondamentaux, qu’ils soient affectifs, sanitaires, nutritionnels, sociaux ou culturels» [1].

Cette vision globale de la santé d’une personne contient une grande part de « relatif ». Comment chacun·e perçoit sa santé? Quelle est la limite entre santé et bien-être? Sachant que cela dépend tant de son âge, de son sexe biologique et son genre[2], de son parcours et sa sensibilité personnelle, que de sa culture, ses valeurs, son contexte de vie, son époque. Dernièrement, l’Assemblée des délégué·es de la FMH a reconnu que le changement climatique constitue la plus grande menace sanitaire de notre siècle et souligné l’importance d’adopter une vision globale de la santé humaine intimement liée à notre environnement.[3]

Quelques constats à relever[4]:

Historiquement, le corps et les cycles de vie des femmes* ont été et restent particulièrement médicalisés et pathologisés: règles, contraception, grossesse, accouchement, ménopause font souvent l’objet de consultations médicales et de prescription de médicaments.

Les femmes* restent (trop) souvent en charge du Care dans leur famille. Et se pose la question cruciale: comment valoriser ces tâches du Care – qui signifie «s’occuper de», «prendre soin», «se soucier de»[5] – souvent invisibles, non-monétarisées et pourtant essentielles dans toute société.

Les rapports entre les soignant·es et les soignées sont clairement des rapports de pouvoir. En particulier dans notre médecine occidentale, les soignant·es se placent (et nous les plaçons) dans un rôle d’expert·es, alors que les savoirs populaires et l’expertise des patientes sur leur propre corps ne sont pas assez considérés. Le consentement n’est pas toujours éclairé et mène parfois à des violences médicales et institutionnelles qui, même si elles sont souvent involontaires ou signe de maladresses, ont des conséquences indéniables sur la santé des femmes*.

La santé des femmes* doit être comprise de façon systémique. Elle est clairement le reflet de la société et répercute ses inégalités, ses stéréotypes, ses discriminations, ceci à toutes les étapes de la prise en charge: depuis l’accueil, les examens, le diagnostic, le traitement jusqu’au suivi des dossiers et des personnes[6]. Elle est «conditionnée par de nombreux déterminants sociaux, dont le genre, le fait d’être racisé·e ou pas, l’accès aux ressources socioéconomiques, l’accès aux droits culturels, le fait de disposer d’un réseau social ou d’être isolé·e, etc.»

 

Cette thématique transversale se reflète dans toutes les activités menées par F-information. Elle est si importante qu’une nouvelle structure initiée par le Réseau femmes* voit le jour. Petit tour d’horizon et annonce de la création de l’Espace santé femmes*.

Comment la santé se décline dans les différentes composantes de F-information?

Au pôle juridique, les tensions affectent l’équilibre psychologique, mais aussi par ricochet, la santé physique des personnes en situation de crise familiale. Nous encourageons un soutien professionnel mais aussi de l’entourage. Nous redirigeons également les personnes vers des institutions partenaires comme AVVEC et la LAVI.

Au pôle social est surtout évoquée la question des coûts de la santé, en particulier celui des assurances et des frais dentaires. Les femmes* signalent leur épuisement, voire dépression, et l’impact sur leur santé de l’inégale répartition des tâches liées aux soins des enfants, des parents ou de proches, ainsi que de la maison.

Au pôle professionnel, il apparaît clairement que les traumas du passé impactent la confiance, l’estime de soi et la mémoire. Des éléments qui ressortent face aux employeurs, ainsi que dans les entretiens d’embauche. La santé de nos usagères est souvent l’une des causes de leur reconversion (charges trop épuisantes ou répétitives, stress trop important, maladie invalidante, dépressions, etc.). Nous conseillons une évaluation de leur situation par leur médecin traitant ou un·e spécialiste. L’Assurance invalidité propose des mesures de réadaptation d’ordre professionnel[7].

Au pôle migration, intégration et citoyenneté, cette question a souvent fait l’objet de soirées spécifiques : par exemple, une intervenante de la ligue genevoise contre le rhumatisme a abordé les bienfaits du mouvement, la variation des postures lorsque l’on travaille assis ; ou encore l’alimentation équilibrée ou le système d’assurance en Suisse. La santé a une dimension sociale et culturelle évidente et ce sont des occasions pour chacune des femmes* présentes de s’exprimer sur ses pratiques, ses aprioris, ses peurs, ses questionnements.

A l’accueil, les usagères* ne s’expriment pas longuement mais articulent déjà les mots de violences physiques, de situations d’urgence, d’épuisement et fatigue morale: ce petit temps d’accueil et d’écoute est indispensable et indissociable à notre souhait de promouvoir une santé globale, et permet d’orienter au mieux les femmes* en fonction de leurs besoins.

À la bibliothèque Filigrane sont notamment mis à disposition des ouvrages spécialisés, mais aussi des romans, des films ou des bandes dessinées qui traitent des questions de santé en lien avec les femmes* et le genre. Les personnes qui passent la porte cherchent des renseignements sur des questionnements personnels – par ex. maternité, grossesse, violences gynécologiques et obstétricales, sexualités, ménopause, contraception, corps en transition, discriminations touchant les corps des personnes racisées, etc. – comme sociétales – mouvement body positive, place des femmes* dans la médecine et les soins au cours de l’histoire, théorie du care ou luttes pour le salaire au travail ménager, etc.

 

Nouveauté: un Espace santé femmes* à Genève

Depuis la disparition du dispensaire des femmes en 1987[8], un espace réservé aux femmes et à leur santé manque à Genève. C’est à nouveau à l’ordre du jour! Un projet mené par le Réseau Femmes* commence tout juste à se mettre en place. Nadine Rogivue a été mandatée pour créer la structure et proposer les premières activités dès le mois de mars. C’est dans le cadre de la Semaine de l’égalité, organisée par la Ville de Genève, qui a pour titre cette année «Haut les corps, à bas les tabous!», que l’Espace santé femmes* proposera ses premiers ateliers autour du thème de la précarité menstruelle, des enjeux environnementaux, de santé et d’égalité. Avant d’avoir ses propres locaux, l’Espace santé femmes* bénéficiera ponctuellement, pour mener ces ateliers, de l’arcade Achillée ainsi que d’un espace à la Bibliothèque de la Cité.

L’objectif de l’Espace santé femmes* est d’offrir un lieu aux femmes* pour aborder la santé hors contexte institutionnel (hôpital, permanences médicales, etc.). Un lieu de confiance, d’échange, d’entraide et de partage, un «safe space» où les femmes* se sentent à l’aise et libres de parler de tous les aspects qui touchent leur santé physique, mentale et émotionnelle.

Ce lieu veut permettre aux femmes* d’accéder et de s’approprier une information indépendante, de retrouver foi en leurs compétences et connaissances et de reprendre leur santé en main. Il veut favoriser l’accueil et l’«empuissancement» individuel mais aussi collectif des femmes*, dans une approche participative, inclusive, intergénérationnelle et interculturelle. Des ateliers de promotion de la santé et de prévention seront organisés autour de thématiques telles que la mammographie, les troubles alimentaires, la santé sexuelle et reproductive, la ménopause, etc. Des échanges de pratiques et de savoirs, des ateliers santé-découverte tel que la fabrication de remèdes naturels, des ateliers de self-défense ou de yoga, des groupes de parole autour du consentement dans le rapport patiente-médecin ou le plaisir sexuel des femmes* seront proposés et permettront à chacune d’être ou de devenir une actrice consciente et autonome dans ses choix.

 

Pour conclure, nous ne pouvons que souscrire au programme suivant, si bien résumé par un autre collectif[9], dans toutes nos activités.

  1. Préserver, construire et collectiviser les savoirs qui permettent à chacune de s’approprier sa santé et d’être une actrice avertie et compétente dans ses choix.
  2. Favoriser et redynamiser les liens entre les femmes à travers leurs savoirs; réinventer une culture d’échange, d’enseignement et de transmission intra et intergénérationnelle.
  3. Défendre la promotion de la santé des femmes et l’autosanté.
  4. Lutter pour l’application effective pour toutes les femmes des droits sexuels et reproductifs.
  5. Récolter, analyser et mettre à disposition des connaissances, études, outils et alternatives utiles pour éclairer le choix des femmes et pour sensibiliser tous les acteurs/trices de la santé.
  6. Relayer les valeurs féministes dans le cadre des politiques de santé et favoriser les actions sur les déterminants de santé.
  7. Réclamer davantage de moyens financiers pour la promotion de la santé, considérant celle-ci comme prioritaire par rapport à la médecine préventive.

Avec vous, nous œuvrons pour «une approche globale et féministe, égalitaire et solidaire de la santé».

 

Femmes*: désigne toutes les personnes qui se reconnaissent en tant que femmes, personnes non binaires, transgenre et/ou intersexe.

Illustration: Georgia O’Keeffe

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Sant%C3%A9

[2] https://www.gen-plus.ch/?q=magazine/actualit%C3%A9s/dossiers/femmes-et-hommes-sont-ils-%C3%A9gaux-devant-la-sant%C3%A9%E2%80%89 

[3] https://www.fmh.ch/fr/themes/sante-publique/changement-climatique-et-sante.cfm

[4] https://www.femmesetsante.be/

[5] https://www.cairn.info/revue-recherche-en-soins-infirmiers-2015-3-page-7.htm et https://lecourrier.ch/2009/09/14/pour-une-theorie-generale-du-care/

[6] Lire l’excellent article publié dans Pulsation en janvier 2020, https://pulsations.hug.ch/article/medecine-egalite

[7] https://www.ahv-iv.ch/p/4.09.f ainsi que https://www.ocas.ch/ai/particuliers/readaptation-professionnelle

[8] Dispensaire des femmes de Genève (1978-1987). Ce centre de santé féministe par les femmes pour les femmes créé dans la suite du mouvement de réappropriation collective par les femmes des savoirs sur le corps et la santé est une expérience sans équivalent en Europe francophone. https://www.canal-u.tv/chaines/universite-toulouse-jean-jaures/critiques-feministes-des-savoirs-corps-et-sante/le

[9] https://www.femmesetsante.be/