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Intégration et droit de séjour : les exigences accrues des nouvelles dispositions du droit des étrangers

 

Intégration et droit de séjour : les exigences accrues des nouvelles dispositions du droit des étrangers entrées en vigueur au 1er janvier 2019[1]

La révision partielle de la Loi sur les étrangers (renommée LEI[2]), ainsi que des ordonnances et directives pertinentes en matière d’intégration, placent l’intégration au cœur du système. Le droit de séjour y est subordonné de manière plus exigeante, plus explicite et plus étendue.

  1. Critères pour mesurer l’intégration

La loi définit les critères mesurant l’intégration[3]. Ainsi, pour évaluer l’intégration, l’autorité tient compte :

  • du respect de la sécurité et de l’ordre publics[4];
  • du respect des valeurs de la Constitution[5];
  • des compétences linguistiques[6];
  • de la participation à la vie économique ou l’acquisition d’une formation[7].
  1. Effet de l’intégration sur loctroi, le renouvellement et la durée de validité des permis

Les conditions relatives à l’intégration régissant l’octroi, la durée ou la prolongation du permis deviennent plus explicites, plus extensives et plus exigeantes.

Pour le permis B (autorisation de séjour) :

  • L’intégration est prise en compte pour fixer la durée de validité du permis et de sa prolongation[8].
  • L’octroi et la prolongation du permis « peuvent être subordonnés à la conclusion d’une convention d’intégration en cas de « besoins d’intégration particuliers »[9].

Pour le permis C (autorisation d’établissement) :

  • L’octroi ordinaire après 10 ans de séjour dépend désormais en plus du fait que l’étranger soit « bien intégré »[10].
  • L’octroi anticipé après 5 ans de séjour ininterrompu est plus strict en matière de connaissances linguistiques[11].
  • La récupération du permis C, qui peut désormais être révoqué et remplacé par un permis B en cas de manquement à l’intégration[12], n’intervient qu’après un délai de cinq ans et à condition que la personne se soit entre-temps bien intégrée[13].
  1. Intégration et restrictions au regroupement familial

Les exigences accrues d’intégration en matière de droit de séjour affectent les possibilités de regroupement familial.

Les conjoint·e·x·s, partenaires enregistré·e·x·s et enfants célibataires de moins de 18 ans de personnes titulaires dun permis C sont particulièrement touchées par le durcissement des conditions au regroupement familial. En effet, tandis que l’ancienne loi prévoyait l’octroi et la prolongation du permis B à la seule condition de faire ménage commun,

  • les membres de la famille doivent maintenant au surplus disposer d’un logement approprié[14];
  • ne pas dépendre de l’aide sociale[15];
  • être aptes (sauf pour les enfants célibataires de moins de 18 ans[16]) à communiquer dans la langue nationale du lieu de domicile[17] ou s’inscrire à une offre d’encouragement linguistique (pour l’octroi du permis)[18].
  • De plus, il ne faut pas que la personne à l’origine de la demande de regroupement familial perçoive de prestations complémentaires annuelles, ni qu’elle puisse en percevoir grâce au regroupement familial[19].
  • L’octroi et la prolongation du permis B peuvent aussi être subordonnées à la conclusion d’une convention d’intégration[20].

Pour les conjoint·e·x·s, partenaires enregistré·e·x·s et enfants célibataires de moins de 18 ans de personnes titulaires dun permis B, l’octroi et la prolongation du permis B par regroupement familial :

  • demeure une simple possibilité (et non un droit), et dépend des mêmes conditions que pour les membres de la famille des titulaires du permis C mentionnées ci-dessus (et constituent une extension des conditions prévalant sous l’ancienne loi)[21].

Pour les conjoint·e·x·s, partenaires enregistré·e·x·s et enfants célibataires de moins de 18 ans de personnes titulaires dune autorisation de courte durée (permis L) :

  • l’octroi d’un permis L par regroupement familial dépend de l’existence d’un ménage commun, d’un logement approprié, de l’absence de dépendance à l’aide sociale et de prestations complémentaires annuelles[22].
  1. Compétences linguistiques et permis de séjour ou d’établissement

Niveau A1 oral (langue nationale du lieu de domicile).

  • Octroi permis B aux conjoint·e·x·s/partenaires des titulaires du permis B ou C) : posséder ce niveau ou être inscrit·e* : à un cours de langue pour l’atteindre.
  • Prolongation permis B : prouver ce niveau.
  • Dissolution mariage ou famille : prolongation du permis B sur la base de l’intégration si preuve de ce niveau.

Niveau A2 oral et A1 écrit (langue nationale du lieu de domicile ; preuve de ce niveau).

  • Octroi ordinaire permis C (10 ans de séjour).
  • Octroi permis C aux conjoint·e·x·s/ partenaires des titulaires du permis C ou de ressortissant·e·x·s suisses, (après cinq ans).
  • Nouvel octroi permis C :
    – après rétrogradation (délai d’attente de cinq ans).
    – après séjour à l’étranger (de six ans au plus et si dix ans avec permis C).

Niveau B1 oral et A1 écrit (langue nationale du lieu de domicile ; preuve de ce niveau).

  • Octroi anticipé du permis C après cinq ans.

La preuve des compétences linguistiques est donnée dans les cas suivants[23] :

  • Langue nationale du domicile comme langue maternelle, à l’oral et à l’écrit.
  • Scolarisation pendant trois ans minimum dans cette langue.
  • Participation à une formation du degré secondaire II ou tertiaire dans cette langue.
  • Attestation des compétences linguistiques orales et écrites requises dans cette langue en présentant un document reconnu. Les documents reconnus pour attester des compétences sont :passeport des langues-fide[24]ou un certificat de langue reconnu, figurant dans la liste des certificats de langue reconnus[25]. (Pour plus de détails, voir le lien : https://www.fide-info.ch/fr/sprachnachweise).

Un régime transitoire est en vigueur jusquau 31 décembre 2019. Jusqu’à cette date, les compétences linguistiques seront réputées attestées même si lattestation de langue nest pas conforme aux standards de tests de langue[26]. Ainsi des attestations de compétences linguistiques délivrées par des organismes non certifiés « fide » sont admis par lOCPM jusquau 31 décembre 2019[27].

Les personnes dont le séjour (permis B ou L) est réglé par lALCP (UE et AELE) ne sont pas concernées par ces exigences, car l’ALCP ne pose aucune exigence au plan de l’intégration.
Le permis C nest en revanche pas régi par lACLP, et seules les personnes dont l’Etat a conclu un accord d’établissement avec la Suisse (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, France, Grèce, Italie, Pays-Bas, Principauté de Liechtenstein, Portugal) échappent aux exigences de compétences linguistiques régissant le permis C[28].

Les compétences linguistiques des mineurs ne sont pas évaluées[29].

  1. Situations de handicap, de maladie ou dautres raisons personnelles majeures

En cas de handicap, de maladie ou pour d’autres raisons personnelles majeures[30], il est possible de déroger aux critères de compétences linguistiques et de participation à la vie économique, si la personne en fournit la preuve (certificat médical, de logopédiste, etc.)[31], notamment[32] :

  • lorsque l’étranger ne peut pas remplir les critères (ou difficilement) ou raison d’un handicap physique, mental ou psychique;
  • en raison d’une maladie grave ou de longue durée ;
  • pour d’autres raisons personnelles majeures, telles que : de grandes difficultés à apprendre, à lire et à écrire, une situation de pauvreté malgré un emploi, des charges d’assistance familiale à assumer ».
  1. Conventions d’intégration et recommandations en matière d’intégration

La convention d’intégration peut concerner[33] :

  • l’acquisition de compétences linguistiques ;
  • l’intégration scolaire ou professionnelle et économique ;
  • les connaissances sur les conditions de vie, le système économique et l’ordre juridique suisses.

Dans le cas où les autorités compétentes exigent une telle convention, l’octroi de l’autorisation de séjour ne se fait qu’après sa conclusion[34].

Pour les personnes relevant de l’ALCP (ou autre traité[35]) ou pour les membres de la famille de ressortissant·e·x·s suisses ou européen·e·x·s, seules des recommandations en matière d’intégration peuvent être adressées[36].

L’autorité migratoire cantonale vérifie au cas par cas l’opportunité d’une convention d’intégration ou d’une recommandation en matière d’intégration en raison de besoins d’intégration particuliers[37]. Des données communiquées en matière pénale, civile, de mesures disciplinaires et de prestations d’assurances sociales notamment peuvent constituer un indice de tels besoins. En cas de non-respect de la convention d’intégration sans motif valable, l’autorité compétente peut révoquer le permis (L ou B)[38] (par exemple : si la personne ne suit pas, sans motif valable et de manière répétée, le cours de langue prévu dans la convention)[39].

  1. Extension des motifs de révocation des autorisations de séjour et d’établissement

En plus du nouveau motif mentionné ci-dessus (non-respect de la convention) pour les titulaires du permis B ou L (pays tiers), il faut notamment mentionner les durcissements pour les titulaires de permis C :

  • possibilité de révocation et de remplacement par un permis B lorsque les critères d’intégration ne sont pas remplis[40].
  • possibilité de révocation du permis C au motif d’une dépendance durable et notable à l’aide sociale, désormais y compris pour les personnes qui séjournent en Suisse sans interruption depuis plus de 15 ans[41].
  1. Accroissement de la surveillance

La LEI étend le type d’information qui est échangé entre autorités et portant à conséquences sur le droit de séjour. Ainsi, en plus de la communication d’affaires civiles et pénales, du versement de prestations d’aide sociale, sont également communiqués[42] :

  • le versement d’indemnités de chômage ;
  • le versement de prestations complémentaires à l’AVS ou l’AI ;
  • l’application de mesures disciplinaires requises par les autorités scolaires, de protection de l’enfant et de l’adulte, d’autres décisions indiquant l’existence de besoins d’intégration particuliers.

[1] Ce texte opère une sélection de certains aspects de ces modifications ; notamment il ne traite pas des situations des personnes passées par l’asile et de manière limitée de celle des personnes relevant de l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP).

[2] RS 142.20.

[3] Art. 58a LEI.

[4] Art. 58a al. 1 let. a LEI.

[5] Art. 58a al. 1 let. b LEI.

[6] Art. 58a al. 1 let. c LEI.

[7] Art. 58a al. 1 let. d LEI.

[8] Art. 33 al. 4 LEI.

[9] Art. 33 al. 5 LEI.

[10] Art. 34 al. 2 let. c.

[11] Art. 34 al. 4 LEI.

[12] Art. 63 al. 2 et art. 58a LEI.

[13] Art. 34 al. 6 LEI.

[14] Art. 43 al. 1 let. a LEI.

[15] Art. 43 al. 1 let b LEI.

[16] Art. 43 al. 3 LEI.

[17] Art. 43 al. 1 let d LEI.

[18] Art. 43 al. 2 LEI.

[19] Art. 43 al. 1 let e LEI.

[20] Art. 43 al. 4 LEI.

[21] Art. 44 LEI.

[22] Art. 45 LEI.

[23] Art. 77d al. 1 OASA ; Directives LEI 3.3.1.3. (état au 1er janvier 2019).

[24] Directives 3.3.3.1.2, état au 1er janvier 2019.

[25]Directives LEI 3.3.1.3 et annexe relative à la preuve des compétences linguistiques (https://www.sem.admin.ch/dam/data/sem/rechtsgrundlagen/weisungen/auslaender/aufenthalt/20190101-mb-sprachkompetenzen-f.pdf).

[26] Directives LEI 3.3.1.3.1, état au 1er janvier 2019.

[27] https://www.ge.ch/exigences-linguistiques-titres-sejour/centres-evaluations-certificats-reconnus.

[28] Annexe à la Directive LEI 3.3.1.3, FAQ concernant l’attestation des compétences linguistiques requises, (https://www.fide-info.ch/doc/08_Sprachenpass/fideFR08_FAQCompetencesLinguistiquesSejourEtablissement.pdf).

[29] Art. 43 al. 3 LEI et art. 44 al. 3 LEI.

[30] Art. 58a al. 2 LEI.

[31] Annexe à la Directive LEI 3.3.1.3, FAQ concernant l’attestation des compétences linguistiques requises, (https://www.fide-info.ch/doc/08_Sprachenpass/fideFR08_FAQCompetencesLinguistiquesSejourEtablissement.pdf).

[32] Art. 77f let. a à c OASA.

[33] Art. 58b al. 2 LEI.

[34] Art. 58b al. 3 LEI.

[35] Art. 2 al. 1 et 2 LEI.

[36] Art. 58b al. 4 LEI.

[37] Art. 77g al. 1 OASA.

[38] Art. 62 al. 1 let. g LEI ; art. 77g al. 5 OASA ; art. 96 al. 1 LEI.

[39] Directives LEI 8.3.1.7, état au 1er janvier 2019.

[40] Art. 63 al. 2 LEI.

[41] Art. 63 al. 1 let. c LEI.

[42] Art. 97 al. 3 let dter à dquinquies et art. 97 al. 3 let. e LEI.