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Changer de Cap : La formation continue dans l’Assurance-invalidité

 

Glossaire

Formation continue

Différente des formations formelles, elle est vue comme un perfectionnement, un complément, une formation tout au long de la vie.

Raisonnablement exigible

Les activités raisonnablement exigibles sont celles qui servent à la réadaptation de l’assurée, exceptées les mesures non adaptées à son état de santé. 

Reclassement

Le reclassement est l’action de placer dans une activité nouvelle des personnes qui ont dû abandonner leur activité précédente.

Reconversion professionnelle

La reconversion professionnelle est un changement de type d’activité professionnelle ou de secteur d’activité professionnelle au terme d’un processus de reclassement.

Services médicaux régionaux

Mis en place lors de la 4e révision de l’AI, ces services ont pour but de fournir aux Offices de l’assurance-invalidité de chaque canton (OAI) des appréciations médicales par le biais d’expertes en santé. L’OAI à Genève est l’OCAS.

Est-ce que l’AI prend en charge des frais de formation continue ? A quelles conditions et quels frais ?

Oui, à certaines conditions. Tout d’abord, je dois être assurée à l’assurance-invalidité. Je suis notamment assurée à l’assurance-invalidité si je suis domiciliée en Suisse ou si je travaille en Suisse. J’ai droit au financement d’une formation continue par l’assurance-invalidité si mes frais sont beaucoup plus élevés que pour une personne non-invalide. La formation continue doit être appropriée et adaptée à ma situation de handicap.

Bon à savoir : La formation continue (voir glossaire) est appelée perfectionnement dans la Loi sur l’assurance-invalidité (LAI).

Qu’est-ce que la formation continue ?

Pour commencer, la formation continue n’est pas :

  • la scolarité obligatoire
  • ce qui débouche sur un diplôme de formation professionnelle, de degré secondaire II, académique
  • un diplôme constituant la condition à l’exercice d’une activité professionnelle réglementée par l’État

Mais la formation continue est

  • quelque chose que j’ai envie de faire
  • une formation utile pour mon travail
  • une formation qui permet de développer ma culture générale
  • une formation qui me sert à avoir ou approfondir des connaissances spécialisées
  • une formation qui permet de mettre mes connaissances à jour

Si je suis atteinte dans ma santé, je dois payer ma formation continue au même titre qu’une personne non atteinte dans sa santé. L’assurance-invalidité prendra par contre en charge les coûts supplémentaires dû à ma situation de handicap s’ils sont estimés à plus de 400 CHF par année par rapport à une personne non atteinte dans sa santé. 

Contrairement à la reconversion professionnelle, la formation continue ne doit pas être nécessaire pour maintenir mon salaire ou pour l’améliorer. La formation doit par contre toujours être adaptée à mon handicap.

Bon à savoir : Je n’ai pas besoin d’un taux minimum d’invalidité pour avoir droit à une formation continue.

Bon à savoir : Je peux demander une formation continue même si je suis parfaitement insérée dans la vie professionnelle et que je dispose déjà de plusieurs diplômes. 

Quels sont les frais pris en charge par l’AI dans le cadre d’une formation continue ?

Les coûts supplémentaires de la formation continue pris en charge par l’assurance-invalidité sont très variés. Les frais reconnus sont : 

  • les frais de formation : frais pour le matériel scolaire, l’écolage, l’apprentissage, les excursions, l’inscription aux séminaires et aux stages pratiques, les taxes de formation et d’examens
  • les dépenses faites pour acquérir les connaissances nécessaires
  • les frais de nourriture hors domicile : 
  • Si je dois m’absenter de mon domicile entre 5 et 8 heures : les frais de nourriture sont de 11.50 CHF par jour
  • Si je dois m’absenter de mon domicile plus de 8 heures : les frais de nourriture sont de 19 CHF par jour
  • les frais de logement hors domicile sont de 37.50 CHF par nuit
  • les frais de transport : je reçois un bon pour utiliser les transports en commun. Si je dois absolument utiliser un autre transport que les transports en commun, cela est indemnisé ou remboursé. Par exemple pour une voiture, l’indemnisation s’élève à 3’000 CHF par année 

Bon à savoir : les critères pour pouvoir avoir un véhicule autre que les transports en communs sont mon âge, mon état de santé, la longueur de mon trajet et l’augmentation disproportionnée de la durée de mon trajet à cause de mauvaises correspondances (durée du trajet, temps d’attente, nombre de différentes correspondances, long parcours à pied, économie de temps si utilisation d’un véhicule privé).

  • les frais pour les outils de travail nécessaires à la formation (s’ils ne me sont pas mis à disposition gratuitement et ne font pas partie de l’équipement de base d’un ménage)
  • les frais pour les vêtements professionnels nécessaires à la formation  (s’ils ne me sont pas mis à disposition gratuitement et ne font pas partie de l’équipement de base d’un ménage)
  • les frais de transport, de nourriture et de logement hors domicile pour la personne qui doit nécessairement m’accompagner. Ces frais seront pris en compte au même tarif que pour moi. 

Bon à savoir : les frais de nourriture et de logement à l’extérieur sont remboursés seulement s’ils remplissent une des conditions suivantes : 

  • ces frais sont nécessaires pour des raisons liées à l’invalidité
  • ces frais représentent une condition indispensable au succès de la formation
  • si le retour au domicile n’est pas possible ou pas raisonnablement exigible (voir glossaire)

Les frais non reconnus sont :

  • les assurances
  • les traitements (médicaux et médicamenteux)
  • les soins corporels
  • les salaires des apprenties
  • les pourboires et les recettes du même genre

Comment faire ma demande ?

Mon droit à des prestations de l’AI naît après le dépôt de ma demande auprès de l’OCAS, faite à l’aide d’un formulaire sur le site internet de l’OCAS. La demande pour une prestation de l’AI peut être faite par :

  • l’assurée
  • la représentante légale
  • des autorités. Les autorités peuvent être les services de l’aide sociale, les assurances qui ont avancés des prestations au sens de l’art. 70 al. 1 et 2 LPGA
  • des tiers qui assistent régulièrement l’assurée ou prend soin d’elle de manière permanente. Les tiers peuvent être la conjointe, les parents, les grands-parents, les enfants, les petits-enfants ou la fratrie de l’assurée. Si l’assurée est décédée, les héritières et les personnes ayant un intérêt digne d’être protégé peuvent aussi faire une demande.

Bon à savoir : Si je suis frontalière, l’office compétent à qui m’adresser est celui où je travaille. Si je suis domiciliée à l’étranger,  l’office AI pour les assurées résidant à l’étranger (OAIE), situé à Genève, est compétent.

Que faire si je ne suis pas d’accord avec ce que conclut l’assurance-invalidité me concernant ? 

→ Après examen de mon dossier, l’OCAS va m’envoyer un courrier nommé “préavis” pour m’informer de la décision qu’elle compte prendre, soit l’octroi ou non de ma demande de formation continue (perfectionnement). 

→ Si je ne suis pas d’accord avec ce préavis, je peux le faire savoir à l’OCAS dans un délai de 30 jours. Cela doit être respecté car j’ai le droit d’être entendue. L’ OCAS rendra par la suite une décision. L’OCAS doit prendre sa décision au plus tard 12 mois après avoir déposé ma demande. L’OCAS doit dire pourquoi elle arrive à cette conclusion.

Bon à savoir : Une procédure simplifiée sans décision est possible mais cela doit être fait seulement avec mon accord. Cette procédure simplifiée est utile si je suis d’accord avec le préavis de l’OCAS et que je veux que la procédure aille plus vite. 

→ Si je ne suis pas d’accord avec cette décision, je peux m’opposer à celle-ci avec un courrier dit “recours” dans les 30 jours en écrivant au Tribunal administratif de première instance (TAPI). 

Bon à savoir : L’OCAS doit compléter l’instruction autant que nécessaire mais cela ne lui donne pas un droit à recourir à un deuxième avis médical si les faits établis par une expertise précédente ne lui conviennent pas. Ainsi, les services médicaux régionaux (SMR) (voir glossaire) doivent s’appuyer sur mon dossier médical, s’il existe.

→ Si je ne suis pas d’accord avec la décision du TAPI, je peux faire un recours au Tribunal fédéral (TF). Si j’habite à l’étranger, je peux faire un recours directement au Tribunal administratif fédéral (TAF).

Bases légales : art. 4 let. a et b, art. 8 let. b LFCo ;  art. 8 al. 2bis, art. 16 al. 2 let. c, art. 51 al. 1 LAI ; art. 5 al. 6 let. a et b, art. 5bis al. 1, al. 2, al. 3 et al. 4, art. 90 RAI ; CMRP ; CRFV ; ch. 10 de l’annexe 1 OMAI 

Vue globale du système de l’assurance-invalidité 

Étant donné que mon bon à savoir n’aborde qu’une partie des prestations offertes, j’ai élaboré un schéma sommaire afin d’avoir tout de même une vue globale de ce que peut traverser une personne lorsqu’elle contacte l’AI.

 

Survol des autres mesures

Étant donné les mesures très spécifiques de l’AI, j’aimerais survoler les autres mesures qui pourraient rentrer en ligne de compte dans une situation légèrement différente afin de mieux appréhender la réalité. Les trois mesures ci-dessous sont classées selon l’ordre dans lequel elles apparaissent potentiellement dans un parcours de l’AI (cf. schéma supra).

Mesure d’intervention précoce

Le principe des mesures d’intervention précoce est de pouvoir obtenir les mesures d’ordre professionnel sans avoir au préalable le dossier avec les rapports médicaux au complet. Ainsi, le but déclaré est de réintégrer le plus vite possible les assurées en incapacité de travail à leurs postes ou à un nouveau poste (art. 6 LPGA et art. 7d al. 1 LAI). Toutefois, l’AI fixe un montant maximal de 20’000 CHF par personne durant cette phase au sens de l’art. 1octies RAI. Cette phase des mesures d’intervention précoce se termine par la décision ou non d’octroyer certaines mesures de réadaptation dont par exemple le reclassement de l’art. 17 LAI[1]. Selon l’art. 7d al. 3 LAI, il n’existe pas de droit à une mesure d’intervention précoce.

Accord paritaire genevois

L’accord paritaire genevois existe depuis 2009 et reprend les points des mesures d’intervention précoce de la LAI mais dans le cadre d’une convention de branche. Cet accord de branche limité au canton de Genève, s’applique pour les travailleuses du bâtiment qui remplissent deux conditions : leur entreprise est membre d’une association professionnelle ayant adhéré à l’accord et la travailleuse est assurée, pour sa perte de gain en cas de maladie auprès d’un assureur signataire de l’accord ou qui y a adhéré. C’est une convention de collaboration entre partenaires sociaux et les assurances concernant la branche du bâtiment. Les parties à cette convention comprennent la Fédération des Métiers du Bâtiment (FMB, association faîtière) et 18 associations professionnelles membres, les syndicats (UNIA, SIT et SYNA), l’Office cantonal de l’assurance invalidité (OAI), les assureurs perte de gain maladie (Zurich, Groupe Mutuel, Helsana, Moove Sympany) et la SUVA. Cet accord a pour but de maintenir en emploi les personnes en situation d’invalidité par le réseau de ces différents signataires et ainsi pouvoir mettre rapidement des mesures en place pour la personne concernée. Pour ce faire, tous les mois, une cellule d’analyse, composée de représentants des cinq principaux partenaires, se réunit et traite les cas annoncés[2].

La répartition pour financer ces mesures d’intervention précoce se fait comme suit : Les premiers 5’000 CHF sont pris en charge par l’OAI, les 2’500 CHF suivants par les partenaires sociaux via les fonds paritaires, puis 10’000 CHF par l’assureur perte de gain ou la SUVA. L’OAI peut rajouter les 15’000 CHF supplémentaires[3].

Dans le cadre de cet accord et s’agissant des mesures d’intervention précoce, le montant maximal est donc de 32’500 CHF par personne, soit 12’500 CHF de plus que celui accordé par l’AI dans sa procédure ordinaire d’octroi des mesures d’intervention précoce (cf. 6.10.1 supra). L’évaluation de cet accord a montré que le délai de prise en charge dans le cadre des mesures d’intervention précoce est plus rapide avec cet accord. En revanche, la durée de la phase des mesures d’intervention précoce est plus longue. Cet accord ne permet donc pas d’accéder plus vite aux mesures d’ordre professionnel tel que le reclassement. Il est par contre plus efficace si l’on s’en tient aux mesures d’intervention précoce pour, par exemple, les personnes qui ne rempliraient pas les conditions d’octroi du reclassement[4].

Mesure de réinsertion préparant à la réadaptation professionnelle

Lors de la 5e révision de la LAI entrée en vigueur le 1er janvier 2008, est introduit l’art. 14a LAI qui traite des mesures de réinsertion préparant à la réadaptation professionnelle. Ces mesures, destinées originellement aux problématiques des personnes présentant un handicap psychique, sont néanmoins, après prise de position jurisprudentielle, également valables pour les personnes présentant un handicap physique[5].

La distinction avec le reclassement de l’art. 17 LAI est que l’art. 14a LAI prépare l’assurée à la réadaptation, notamment le reclassement, tant que la capacité de travail de l’assurée est inférieure à 50%. Dès que la capacité de travail atteint le seuil des 50%, la réadaptation est possible et il est donc approprié de mettre en place des mesures d’ordre professionnel, notamment le reclassement[6]. Sur ce constat, est demandé un assouplissement de cette jurisprudence par une partie de la doctrine en 2016, estimant qu’un reclassement peut engendrer plus de coûts qu’une mesure d’intervention précoce. De plus, selon ces mêmes autrices, l’assurée a plus de chance de trouver un emploi dans un domaine où elle était déjà active, en plus de vraisemblablement correspondre à ses souhaits[7].

Mesure de nouvelle réadaptation

Le Conseil fédéral, dans son message relatif à la mise en place de l’article 8a LAI, estime que la réinsertion des bénéficiaires reste extrêmement rare (moins de 1% de l’effectif) et que, selon ses mots, il existe un grand potentiel inexploité. Il aimerait remplacer le principe « rente un jour, rente toujours » par le principe « la rente, passerelle vers la réinsertion »[8].

Dans cette optique, les mesures de nouvelle réadaptation sont appropriées. Ainsi, l’assurée bénéficiant d’une rente AI et si sa situation le requiert (art. 10 al. 2 LAI), peut avoir sa rente révisée d’office[9] ou sur demande. Ces mesures ont pour but d’améliorer la capacité de gain de la personne concernée (art. 8a LAI). 

Selon l’art. 7 al. 2 let. e LAI, l’obligation de collaborer est également valable pour les mesures de nouvelle réadaptation. A ce sujet, lors de la procédure de consultation relative au rapport explicatif et au projet de révision 6a de la LAI ouverte le 17 juin 2009, certaines critiques ont été émises concernant cette obligation de collaborer concernant notamment les personnes présentant des troubles de la personnalité et d’autres affections psychiques[10].

 

Notes

[1] Art. 1septies let. a ou let. c RAI qui renvoi à l’art. 8 al. 3 let. b LAI qui renvoi notamment à l’art. 17 LAI.

[2] Flamand-Lew Émilie, Ankers Neil, Ostrowski Gaspard, Serdaly Christine, Évaluation de l’accord paritaire genevois, Rapport final, Rapport de recherche n°6/17, Aspects de la Sécurité Sociale (OFAS), 6 juillet 2017, p. 19.

[3] Ibid., p. 21.

[4] Ibid., pp. 22-23.

[5] Previtali Adriano, Aperçu de la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière d’intégration et de réadaptation professionnelle, Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung und berufliche Vorsoge SZS, 2016, p. 3.

[6] Office fédéral des assurances sociales (OFAS), Circulaire sur les mesures de réadaptation d’ordre professionnel (CMRP), Etat au 1er janvier 2020, p. 9.

[7] Previtali Adriano, Aperçu de la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière d’intégration et de réadaptation professionnelle, Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung und berufliche Vorsoge SZS, 2016, p. 4.

[8]. Message relatif à la modification de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité (6e révision, premier volet), 24 février 2010, FF 2009, p. 1669.

[9] Office fédéral des assurances sociales (OFAS), Circulaire sur l’invalidité et l’impotence dans l’assurance-invalidité (CIIAI), Etat au 1er juillet 2020, p. 28.

[10] Message relatif à la modification de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité (6e révision, premier volet), 24 février 2010, FF 2009, p. 1709.