Reconversion professionnelle et formation continue en assurance invalidité
Ce document présente de manière synthétique le cadre juridique de la reconversion professionnelle et de la formation continue en assurance-invalidité en Suisse. C’est une synthèse grand public d’une recherche plus exhaustive et technique rédigée par Alessandra Fasciani, juriste à F-information.
Vous trouverez les versions originales en lien sous Reconversion professionnelle dans l’assurance invalidité et Formation continue dans l’assurance invalidité.
Le dispositif de reconversion professionnelle et de formation continue au sein de l’assurance-invalidité est un levier de réinsertion et/ou de maintien de l’activité économique qui permet de garantir une sécurité financière aux personnes dont l’état de santé limite l’exercice de leur profession.
A F-information, nous sommes sollicitées par des femmes* qui sont confrontées à cette situation. Dans un contexte où les inégalités de genre et les interruptions de carrière – souvent liées à des responsabilités familiales, à des parcours migratoires ou à des conditions de santé spécifiques – continuent d’affecter le parcours professionnel des femmes*, une explication des droits et des mesures de soutien offerts par la législation suisse nous apparaît utile.
Glossaire
Formation continue
Différente des formations formelles, elle est vue comme un perfectionnement, un complément, une formation tout au long de la vie.
Raisonnablement exigible
Les activités raisonnablement exigibles sont celles qui servent à la réadaptation de l’assurée, exceptées les mesures non adaptées à son état de santé.
Reclassement
Le reclassement est l’action de placer dans une activité nouvelle des personnes qui ont dû abandonner leur activité précédente.
Reconversion professionnelle
La reconversion professionnelle est un changement de type d’activité professionnelle ou de secteur d’activité professionnelle au terme d’un processus de reclassement.
Services médicaux régionaux
Mis en place lors de la 4e révision de l’AI, ces services ont pour but de fournir aux Offices de l’assurance-invalidité de chaque canton (OAI) des appréciations médicales par le biais d’expertes en santé. L’OAI à Genève est l’OCAS.
Changer de Cap : la reconversion professionnelle en assurance invalidité
Quand ma santé ne me permet plus d’exercer mon métier, je peux demander une reconversion professionnelle financée par l’assurance-invalidité (AI). Sous certaines conditions, on me donne les moyens de continuer à travailler dans une profession adaptée à mes capacités.
Qui peut bénéficier d’une reconversion ?
Pour avoir droit à une reconversion professionnelle, je dois être assurée à l’AI, vivre ou travailler en Suisse et avoir une invalidité d’au moins 20% – ce qui signifie que mon handicap réduit significativement ma capacité à travailler et à gagner un revenu. Ce taux minimal d’environ 20% est critiqué car il défavorise les petits revenuset, par extension, fréquemment les femmes. Ce taux peut être assoupli pour les jeunes, car l’AI prend en compte les perspectives d’évolution professionnelle.
Qu’est-ce que l’invalidité selon l’AI ?
L’AI ne s’applique pas pour une incapacité de travail temporaire (comme une grippe) ou une incapacité professionnelle (comme une boulangère allergique à la farine pourrait changer de métier et devenir fromagère). Elle reconnaît une invalidité lorsqu’il y a incapacité de gain et qu’à cause de mon handicap je ne peux pas ou plus exercer un emploi et percevoir un revenu normal (par exemple à cause de graves problèmes de dos ou d’une dépression, je ne peux pas travailler à plus de 80% quel que soit le métier).
Depuis quelques années, les troubles psychiques et les addictions sont évaluées de la même façon que les autres troubles. L’évaluation reste un processus interne à l’AI qui ne prend pas toujours suffisamment en compte les appréciations médicales extérieures.
Bon à savoir : même si je ne travaille pas contre rémunération – par exemple si je m’occupe du ménage, si je suis membre d’une communauté religieuse ou si je suis étudiante, mon taux d’invalidité sera évalué en fonction des difficultés que je rencontre pour accomplir mes travaux habituels.
Quels sont les critères pour obtenir une reconversion ?
L’AI ne finance pas n’importe quelle formation. J’ai droit à une reconversion si mon invalidité rend cette reconversion nécessaire. Cette reconversion doit être de nature à maintenir ou améliorer ma capacité de gain(ou ma capacité d’accomplir mes travaux habituels) en tenant compte de mes compétences et de ma situation de santé. Cette reconversion doit être adéquate.
- Nécessaire : elle doit permettre de maintenir mon niveau de salaire, mais ne finance pas une formation d’un niveau supérieur, sauf exception. Si je choisis une formation plus coûteuse que nécessaire, l’AI ne prendra en charge que la partie jugée indispensable.
- Maintenir ou améliorer ma capacité de gain : je dois avoir travaillé au moins six mois avant ma demande, avec un revenu d’au moins 918,75 CHF par mois (en 2024).
- Adéquate : la formation doit avoir des perspectives d’emploi réalistes et être adaptée à mon handicap.
La reconversion peut concerner tant une formation professionnelle (CFC ou AFP) qu’une école secondaire supérieure, une école de culture générale (ECG) ou de maturité spécialisée, une Haute école spécialisée (HES) ou une université, ou un perfectionnement de mes qualifications existantes.
Je dois montrer ma volonté de collaborer activement au processus. Si mes préférences quant au choix de la formation sont prises en compte, c’est l’assurance-invalidité qui prend la décision et mes souhaits ne sont pas garantis.
Frais pris en charge
L’AI couvre les coûts liés à la formation elle-même, les frais de nourriture et de logement dans l’établissement de formation professionnelle ou à l’extérieur. Ne sont pas pris en charge les assurances, les traitements médicaux ou les soins corporels.
La prise en charge des frais de formation continue par l’AI : un soutien sous conditions
L’Assurance-Invalidité peut prendre en charge une partie des frais liés à la formation continue, mais sous certaines conditions. L’AI intervient uniquement si ma formation entraîne des frais bien plus élevés que ceux d’une personne non invalide, et cette formation doit être adaptée à ma situation et répondre à un besoin précis.
Qu’est-ce qu’une formation continue ?
La formation continue se place hors de la scolarité obligatoire ou des formations académiques de degré secondaire II. C’est quelque chose que j’ai envie de faire, qui peut m’être utile pour mon travail, pour approfondir mes connaissances ou enrichir ma culture générale. Je peux donc demander une formation continue même si je suis parfaitement insérée dans la vie professionnelle et que je dispose déjà de plusieurs diplômes. Contrairement à une reconversion, la formation continue n’a pas besoin d’améliorer mon salaire pour être financée. Elle doit par contre toujours être adaptée à mon handicap.
Les frais pris ou non en charge
Concernant les frais, l’AI prend uniquement en charge les frais supplémentaires dus à mon handicap et qui dépassent 400 CHF par an.
Ces frais peuvent inclure le matériel scolaire ou professionnel (outils ou vêtements de travail non mis à disposition), l’écolage, l’apprentissage, les excursions, l’inscription aux séminaires et aux stages pratiques, les taxes de formation et d’examens.
Si je dois me déplacer, les frais de logement (CHF 37,50/nuit) ou de nourriture (CHF 11,50/jour pour une absence entre 5 et 8h, ou CHF 19.-/jour si je suis absente plus de 8h) sont également acceptés.
Le transport est reconnu sous forme de bon pour les transports publics ou par une indemnisation ou remboursement si un autre moyen est absolument nécessaire, en fonction de mon âge, état de santé ou longueur du trajet.
L’AI peut aussi couvrir les frais de transport, de logement et de repas pour une personne qui doit m’accompagner.
L’AI ne prend pas en charge les assurances, les traitements médicaux, les soins corporels, les salaires des apprenties ainsi que les pourboires ou autres dépenses personnelles.
Déposer une demande pour la reconversion professionnelle ou la formation continue
Pour faire une demande, je dois déposer un dossier auprès de l’Office cantonal de l’Assurance-Invalidité (OCAS) – le formulaire se trouve en ligne (mettre lien). La demande peut être faite par l’assurée elle-même, la représentante légale, des autorités ou des tiers qui assistent régulièrement l’assurée ou prend soin d’elle de manière permanente.
La décision d’octroyer ou non une mesure de réadaptation peut prendre jusqu’à 12 mois après que l’assurée en a fait la demande. Si ma demande est acceptée, un plan de formation est établi avec l’AI.
Bon à savoir : si je suis frontalière, l’office compétent à qui m’adresser est celui où je travaille. Si je suis domiciliée à l’étranger, l’office AI pour les assurées résidant à l’étranger (OAIE), situé à Genève, est compétent.
Et si je ne suis pas d’accord avec la décision de l’AI ?
Si l’AI refuse ma demande, elle m’en informe par un préavis. J’ai alors 30 jours pour réagir. Si je ne suis toujours pas d’accord après la décision finale, je peux m’opposer par un recours auprès du Tribunal administratif de première instance, puis au Tribunal fédéral.
Toutes ces conditions et embûches sont parfois un frein, mais c’est une opportunité précieuse pour rebondir après un problème de santé. Si on remplit les conditions, il n’y a aucune honte/ne pas hésiter à solliciter l’AI pour être accompagnée dans une reconversion et retrouver une place dans le monde du travail, ou pour un soutien dans le cadre de formations continues.
L’AI propose aussi d’autres aides, comme les mesures d’intervention précoce (phase dans laquelle on réintègre le plus vite possible les assurées à leur poste ou dans un nouveau poste, préalable au reclassement), l’accord paritaire genevois (pour les travailleuses du bâtiment, sous certaines conditions) ou les mesures de réinsertion préparant à la réadaptation professionnelle (prévues à l’origine pour les handicaps psychiques, aujourd’hui élargi) et des mesures de nouvelles réadaptation (pour améliorer la capacité de gain).
Ces différentes mesures ont leurs avantages et leurs limites, notamment sur la question de l’obligation de collaborer et sur l’appréciation des troubles psychiques. Mais dans tous les cas le but reste le même : favoriser, dans la mesure du possible, l’autonomie et l’insertion professionnelle.